Harley Davidson : le dark side de la communauté 😈
Comment la communauté peut se retourner contre la marque qui l'a créée
Hello,
J’espère que tu profites du soleil qui a enfin décidé de refaire surface - quel bonheur ☀️
Je reviens de mon côté d’une exploration au sein d’une communauté plutôt originale au Portugal : j’ai visité Tamera, un village de recherche sur la paix, dont le but est de devenir « un modèle communautaire auto-suffisant, durable et réplicable. » J’ai hâte de te raconter ce que j’y ai appris !
En attendant, je te propose dans cette édition d’explorer un sujet non moins passionnant : celui de l’importance de l’alignement des valeurs entre une marque et sa communauté - mais avec un angle de lecture un peu original : que se passe-t-il quand ces dernières (les valeurs de la marque et les valeurs des membres de la commu) commencent à diverger ? Comment réagir ? C’est la leçon que nous a offert la marque Harley Davidson, aux prises avec un lobbying communautaires, en octobre dernier.
PS : la newsletter s’octroie une semaine de pause (enfin plutôt, les dix petits doigts qui s’activent pour t’envoyer des éditions deux fois par mois), et au lieu de recevoir la prochaine édition le 22 avril, ce sera pour le 29 !
Bonne lecture et à très vite,
Noémie
Au programme de la newsletter
Le case study : Harley Davidson, ou le dark side de la communauté
La veille du Community Builder : des articles glanés pour toi et les actus de la planète communautés 🪐
Harley Davidson : le dark side de la communauté
Un cas désormais emblématique d’un phénomène plus large
Sale temps pour la marque emblématique des motards.
En fin d’année dernière, après avoir été la cible d'un lobby « anti-woke », l'entreprise a publiquement annoncé renoncer à ses objectifs de diversité en interne aux États-Unis.
Menée par l’influenceur (très) conservateur Robby Starbuck, la campagne de dénigrement qui s’est abattue sur Harley-Davidson en ligne s’appuyait sur la part très conservatrice de la communauté de la marque, et s’articulait autour de la “wokisation” de l’entreprise, sous la gouvernance de son nouveau CEO Jochen Zeitz.
Starbuck est allé jusqu’à déclarer sur X :
« Je ne pense pas que les valeurs du siège reflètent celles de la quasi-totalité des motards roulant en Harley Davidson. Les motards Harley veulent-ils que l'argent qu'ils dépensent chez Harley soit utilisé pour promouvoir une idéologie diamétralement opposée à leurs propres valeurs ? »
Sous la pression, Harley Davidson a finalement émis un communiqué de presse pour rétropédaller sur sa politique d’inclusion & diversité, cédant face critiques du lobby communautaire.
Cette attaque brutale soulève une question fondamentale : faut-il sacrifier ses valeurs pour répondre aux pressions d’une partie de sa commu ? 🤔 Harley Davidson n’est pas la première entreprise à faire les frais d’un conflit culturel entre la première génération communautaire et les évolutions stratégiques de la marque…
Pourtant, la diversité et l'inclusivité sont plus que des buzzwords : ce sont des enjeux qui façonnent le monde de demain. Si une marque comme Harley, autrefois pionnière dans sa niche, abandonne ses engagements face à la pression, qu’est-ce que cela dit de l'évolution du marketing aujourd’hui ?
La réponse (courte) : je trouve assez alarmant le risque pour les marques de tomber dans la démagogie. Une entreprise qui recule sur des engagements cruciaux comme la diversité peut donner satisfaction à un groupe de clients à court terme, certes. Mais qu'en est-il des répercussions à long terme sur son ADN et sa perception publique ?
Bien sûr, les lecteurs de cette newsletter le savent : écouter sa communauté, c’est important.
Mais rester fidèle aux valeurs qui nous différencient est primordial.
C’est justement en ancrant sa marque dans une vision forte qu’on crée un lien durable et porteur de sens avec sa communauté. Harley Davidson aurait pu profiter de cette escarmouche pour affirmer un parti pris fort :
◾ qu’il est temps de rompre avec les vieux clichés et les stéréotypes autour des motards, perçus (souvent à tort) comme anti-woke, conservateurs.
◾ que la marque se positionne comme précurseure et pionnière dans une nouvelle représentation de la communauté des motards
La question reste, certes, épineuse : une marque doit-elle céder à la pression de certaines voix influentes dans sa communauté pour rester pertinente ? Ou au contraire, doit-elle tenir bon face aux vents contraires pour incarner les valeurs du monde qu'elle veut voir advenir ?
Le cas de la communauté Harley Davidson soulève en effet une vérité bien plus profonde, plus large et surtout, plus politique : celle que la communauté peut aussi amener une forme de communautarisme, et impacter négativement les individus et parties prenantes qui ne font pas partie de cette dernière.
Lobbying communautaire : une onde de choc politique et culturelle
Harley-Davidson n’est pas la première marque américaine à subir la critique de ses initiatives en faveur de la diversité et de l’inclusion. Ce phénomène de lobbying communautaire s’inscrit en réalité dans un climat politique plus large, notamment aux US, où le terme « woke » est devenu une cible pour les conservateurs - et pour le président Trump, qui a carrément décidé de l’inscrire au registre des mots interdits aux représentants de son administration et aux scientifiques.
Cette pression s’exerce aussi sur d’autres entreprises, comme Disney, Paramount ou encore Target, qui ont également été critiqués pour des actions perçues comme « woke », allant de campagnes marketing publiques à l’implémentation de politiques plus inclusives en interne.
Le truc le plus dingue (et effrayant), c’est que ces mouvements anti-woke sont souvent menés par une minorité bruyante. Mais face aux menaces de boycott et au bruit médiatique généré par ces communautés, certaines entreprises préfèrent faire machine arrière. Ainsi, début mars, Target, Disney, Citigroup, Paramount, Pepsi, Golman Sachs, Roche ou encore Novartis abandonnaient leurs initiatives de DEI.
Les leviers derrière ce choix sont compréhensibles :
🤬 peur du bad buzz et du boycott
💸 ralentissement économique et coupes budgétaires
🎃 contexte politique, Trump étant ouvertement critique de ces politiques
😕 peut-être aussi, pour certaines, un manque d’engagement sincère vis-à-vis de l’inclusion ?
Quelles que soient leurs raisons, toutes ces organisations ont choisi de céder sous la pression. Mais est-ce la bonne stratégie ?
Les marques qui tiennent bon
Alors que certaines entreprises reculent, d’autres ont choisi de maintenir leur engagement en faveur de la diversité, malgré les controverses. C’est le cas (mais jusqu’à quand ?) par exemple de Costco, Apple, Lush, National Football League, Delta, ou encore Ben & Jerry's et Patagonia.
Pourquoi est-ce intéressant ? Parce que le long-term game porte lui aussi la promesse de “gains” pour les marques. Il me semble que celles qui ont choisi de céder face à leurs communautés s”exposent à des risques incroyablement graves pour leurs organisations :
🙏 Perte de cohérence et d’authenticité : une marque qui change brutalement de cap sous la pression risque de brouiller son image, notamment auprès de tout le reste de sa communauté
💎 Impact négatif sur la perception de la marque (employeur et publique) : résultat direct du premier point, le manque d’authenticité risque de teinter négativement la perception de la marque auprès du grand public
Rupture du lien de confiance avec la communauté : le cauchemar de tout Community Builder. Qui dit renoncement à des valeurs fortes portées par la communauté, dit risque de briser la confiance. Une confiance bien difficile à reconstruire ensuite…
À contrario, les marques qui savent essuyer les tempêtes sont celles qui, à mon sens, s’en sortent le mieux - à l’image de Patagonia qui a toujours su se relever des crises traversées, comme celle des maltraitances animales ou des conditions de travail dans certaines usines partenaires.
En bref, le cas Harley-Davidson soulève une question clé pour les marques : jusqu’où doivent-elles aller pour répondre aux pressions extérieures ? Doivent-elles adapter leur discours en fonction des réactions d’une part visible de leur communauté, ou assumer pleinement leurs valeurs, quitte à se couper de certains membres ?
L’écoute de la communauté est essentielle, mais céder à des groupes bruyants au détriment d’une vision à long terme implique d’affaiblir l’ADN de la marque. L’enjeu ultime pour tout Community Builders, c’est donc de trouver un équilibre : être à l’écoute de ses membres, tout en conservant une ligne directrice claire et assumée.
🙅♀️ Les réseaux c’est plus ce que c’était. Bientôt la fin des réseaux sociaux ? CB News dénonce la nouvelle politique de modération de Meta, qui risque selon le média « d'accroître "la désinformation et les contenus dangereux" ». Très bien, mais comment on fait sans les réseaux alors ?
🌤 Le local : turfu des communautés ? Réponse à la question précédente : de nouveaux réseaux sociaux se développent, profondément ancrés dans des quartiers ou zones géographiques. C’est le cas de Front Porch Forum, spotté par les copains de Tech Trash, qui connecte les habitants du Vermont pour se rendre des services !
🌱 Marketing territorial : les bases. De plus en plus de villes et de territoires développent des marques. L’une des dernières en date, c’est celle de la communauté des communes du Vexin normand. Une tendance à garder dans le radar ?
Communauté + retail = ✨ Les retailers sont de plus en plus nombreux à créer des communautés hébergées sur des plateformes propriétaires. Mais concrètement, est-ce une bonne idée et comment s’y prendre ? Quelques éléments de réponse juste ici.
👑 Les champions de TikTok. Le BDM a publié une liste des 20 marques les plus performantes sur TikTok et YouTube. Une bonne ressource pour aller piocher des idées et de l’inspiration !
C’est tout pour aujourd’hui !
Tu veux aller plus loin ?
Voici quelques manières de creuser le sujet des communautés :
Lis mon livre Le pouvoir des communautés (Eyrolles, 2023)
Forme toi au Community Building avec la formation Master de Komuno !
Lance ta MVC (Minimum Viable Community) avec le challenge MVC Komuno
Valorise ton projet ou ta marque auprès d’une communauté de Community Builders, en sponsorisant la newsletter.
Offre-toi une session de coaching avec un mentor Komuno (écris-moi en réponse de ce mail pour en savoir plus)
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Super intéressant ce retour de flamme anti-DEI chez la communauté Harley Davidson.
Dans l'autre sens, ça m'a fait pensé à comment les conducteurs les plus actifs d'Uber ont fait des piquets devant le QG d'Uber pour être mieux payé et avoir un meilleur traitement de l'entreprise.
Les investisseurs de plateformes communautaires souvent disent que les incentifs se désalignent avec les membres les plus professionnels de la plateforme, mais je pense que de plus en plus de plateforme vont faire participer leurs membres à la gouvernance de leur communauté.
Subvert, une alternative coopérative à Bandcamp en ai un bon exemple émergeant.
Ça aurait été intéressant de voir comment le 90% de la communauté siliencieuce se serait prononcée si elle avait pu participer à cette décision d'arrêter les initiatives DEI. :)