Feytopia : la communauté utopiste qui mène la vie de château 🏰
Leçons d'une immersion au sein d'une communauté prototypant le monde de demain
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Le case study : Feytopia : la communauté utopiste qui rêve et agit autrement
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Feytopia : la communauté utopiste qui mène la vie de château 🏰
Il existe des lieux où on est autorisé à faire tomber le masque, des communautés qui donnent la permission d’être radicalement soi. Feÿtopia en fait partie.
Ce projet à dimension internationale, et ancré dans un château du XVIIe siècle niché en haut d’une colline de l’Yonne, rassemble chaque année, pendant quatre mois, une tribu pour le moins hétéroclite de chercheurs, artistes, entrepreneurs... Le tout, afin d’expérimenter ensemble une autre manière de vivre et de créer, à la jonction entre art et futurisme.
J’ai découvert le château du Feÿ durant l’été 2024, en y passant quelques jours dans le cadre d’un séminaire. J’y rencontre alors Jess, la propriétaire des lieux. Elle me raconte que, tous les ans, lors de la saison creuse s’étirant de janvier à avril, le château est fermé au public et devient le théâtre d’une communauté créative : Feÿtopia. Intriguée, je viens y poser mes valises pendant une semaine en janvier 2025. Il n’en faut pas plus pour me séduire et j’y reviens en mars 2025 une seconde fois.
J’ai longuement discuté avec Jess des fondements et du projet derrière sa communauté - les leviers du sentiment d’appartenance à Feÿtopia, comment la culture commune se diffuse au-delà des murs, comment le château et la communauté agit pour transformer son territoire environnant…
Cet article condense les grands apprentissages de Jess et propose une exploration de ce qui fait tenir une utopie dans le temps - et le monde réel !
Des châtelains aux esprits libres : les visiteurs du château du Feÿ
Racheté par Jessica Angel en 2017, le château est resté pendant des années à l’abandon, après être passé entre les mains de plusieurs familles. La légende dit cependant que des personnages illustres (et singuliers) y sont passés.
À commencer par Ninon de Lanclos, courtisane, femme d'esprit, épistolière et femme de lettres française - qui, au 17e siècle, avait refusé de se marier et organisait des salons avec de grands intellectuels français, dont Voltaire, de qui elle fut l’une des premières mécènes.
En 2024, cependant, les habitants sont bien différents. Feÿtopia rassemble des profils d’une grande diversité : russes, allemands, américains, français, artistes, chercheurs, entrepreneurs… Certains viennent du monde de l’entreprise, d’autres du militantisme, d’autres encore de voies plus atypiques. Mais ce qui les unit est plus profond que leur nationalité ou leurs activités professionnelles.
La curiosité et l’ouverture, valeurs fondamentales de la communauté Feÿtopia
Au cœur de la communauté, il y a une curiosité sincère pour l’autre. Un désir de rencontre, de découverte, sans jugement. On croise ici des gens qui ont parfois navigué dans les “cases” de la société mais qui, à un moment, n’y ont plus trouvé leur place. Jess précise qu’ils ne sont pas marginalisés, mais que les membres de la communauté revendiquent tous une forme d’extravagance intérieure, qu’elle soit discrète ou flamboyante.
Et c’est tout l’intérêt du lieu (le château) au sein duquel se retrouve la communauté chaque année : Feÿtopia offre un espace pour l’expression de soi et l’exploration créative. Un espace auto-géré et organisé par la communauté, rempli de liberté, dans lequel se crée très vite un fort sentiment d’appartenance.
Bien sûr, ce sentiment d’appartenance n’est pas automatique. Il varie selon les profils, l’extraversion, les expériences de vie, la personnalité de chacun... Mais une vigilance constante est portée à l’accueil des nouveaux arrivants et à la création d’un environnement chaleureux. Le but : que personne ne se sente perdu ou isolé, même dans un collectif mouvant et auto-géré.
Il règne aussi au chateau une culture forte du jeu et de l’improvisation. Beaucoup d’événements à Feÿtopia sont construits sur des principes ludiques, créatifs. C’est cette capacité à jouer, à inventer ensemble, qui entretient en grande partie la dynamique collective.
Une culture qui se diffuse, sans contrôle centralisé
Ce qui frappe aussi à Feÿtopia, c’est la continuité du lien communautaire, même en dehors des murs du château. La communauté est résolument internationale. Une fois la haute saison de retour, en mai, les membres repartent aux quatre coins du monde.
Cependant, la “vibe” persiste. Des petits groupes se retrouvent, voyagent ensemble, organisent des événements. Spontanés
Et pourtant… il n’y a aucune stratégie officielle de coordination ! Pas de comités, pas de règles écrites. Le fonctionnement repose sur une démocratie radicale, comme le précise Jess : « celui qui fait, décide ». Si deux personnes prennent l’initiative de créer un projet, elles attirent spontanément d’autres membres. Et ça fonctionne !
La communauté continue de vivre à travers des liens affinitaires, des collaborations, des projets partagés. Certains au château décrivent les Feÿtopiens comme une “famille choisie”. Ce lien est tissé par le temps passé ensemble, les expériences communes et un engagement réciproque.
C’est cette dynamique organique qui garantit que Feÿtopia ne soit pas une simple “expérience sur site”. C’est une culture globale, qui se transmet de personne en personne, par osmose.
Concrètement, quels en sont les piliers au château ? Je n’ai pas la prétention de les avoir tous décelés, mais plusieurs bonnes pratiques m’ont sauté aux yeux lors de mes séjours :
La répartition équitable des tâches communes. Débarrasser derrière soi, faire la vaisselle après les repas, aller chercher les nouveaux arrivants à la gare, maintenir le feu dans la cheminée du salon… Chaque habitant du château est invité à s’impliquer dans les tâches du quotidien pour que le lieu reste fonctionnel et agréable à vivre. À l’arrivée au château, on inscrit son nom sur certains créneaux de responsabilités.
La ludification des “corvées”. Au château du Feÿ, la plonge manuelle des 40 couverts est assurée par des binômes et ne s’appelle pas “la plonge”, mais le “disco dishwasging”. On y fait la vaisselle dans la bonne humeur, accompagnés par de la musique à fond la caisse.
Le don comme base d’animation de la communauté. Dans le salon, un tableau mis à jour chaque semaine donne à chacun la possibilité de proposer un atelier : session de méditation guidée, cours de yoga, workshop de cuisine… Chacun peut offrir un temps partagé et créatif, en fonction de ses talents. Un moyen génial d’animer la communauté, de fédérer ses membres et de valoriser la singularité de chacun !
La fête et l’exploration au coeur de la culture. Soirée karaoké, projection de documentaire, carnaval ou fête déguisée… Le soir, la communauté partage des moments festifs et joyeux, suggérés par les membres et ouvert à tous.
Quand l’utopie rencontre le territoire : le rayonnement local du Feÿ
Ce qui est passionnant avec le château du Feÿ, c’est que l’utopie qu’il abrite ne se cache pas uniquement derrière ses murs : elle se matérialise dans le monde réel, sur territoire de Joigny et ses alentours. L’utopie prend racine et agit, par le biais d’une association baptisée Les Amis du Château du Feÿ.
Il y a quelques années, ils n’étaient qu’une poignée à croire au potentiel de Joigny. Jess me confie en riant que son projet est de faire de la ville le “nouveau Berlin”. Aujourd’hui, les projets portés sont multiples (ouverture ponctuelle au public, permaculture, événements culturels et artistiques, etc), les collaborations avec les associations locales se sont renforcées. Le château travaille en synergie avec le tissu local, en valorisant la région et en créant du lien entre ses habitants.
Un exemple marquant : des projets de pépinières, d’agroforesterie, nés de rencontres avec les bonnes personnes, ayant les bonnes compétences, comme l’explique Jess - et déployés sur place par les équipes du château.
Le secret ? Le match entre ceux qui ont le lieu et ceux qui ont le savoir-faire. L’un ne peut pas exister sans l’autre. Et plutôt que de tout internaliser, l’énergie est mise sur la recherche de bons partenaires. Une approche d’interdépendance qui rend possible des symbioses puissantes et fertiles !
Ce qu’on retient de Feÿtopia
J’ai conscience que le cas du château du Feÿ peut sembler un peu hors sol pour la plupart des Community Builders, qui composent avec une communauté de marque, fédérée autour d’une promesse plus transactionnelle ou fonctionnelle.
Ceci étant dit, il existe à Feÿtopia des principes que chacun peut reprendre dans sa communauté. Les voici :
Une permission d’être soi, dans toute sa singularité, sans masque ni contrainte. Cette permission doit être explicitée et présentée dès l’onboarding au sein de la communauté.
Un fonctionnement organique, où l’initiative prime sur la hiérarchie. À chaque Community Builder de placer le curseur entre animation organique et stratégie éditoriale, pour que la communauté vive et se développe.
Un ancrage local fort, avec un lieu de rencontre pour que les membres puissent vivre des expériences fédératrices et tisser des liens au niveau d’un territoire.
🩺 Les Deepfakes Médecins attaquent. L’influence en ligne devient une arme de désinformation : Hugo Décrypte alerte sur des faux médecins (générés par des IAs) qui donnent sur TikTok et Insta des conseils santé désastreux pour les inciter à acheter des produit (de merde, of course).
👯♀️ La communauté au coeur de la com’ La Chief Marketing Officer de Rare Beauty, la marque de cosmétiques de Selena Gomez, partage les secrets d’une campagne d’UGC puissante, co-crée avec sa communauté.
🌳 Grandir sans dépérir. Comment développer l’ampleur et la zone d’influence d’une marque sans perdre ses connections à ses racines (territoriales et culturelles) ? Rolling Stone offre des éléments de réponse.
😢 Génération Sad. Selon une étude relayée par Usbek & Rica, les jeunes Occidentaux n’ont jamais été aussi malheureux. Un signe de plus que la communauté s’annonce essentielle ces prochaines années ?
🚀 From zero to hero. Le journal du CM partage le témoignage d’une community leader maline, qui a redressé la stratégie de prise de parole d’une marque sur les réseaux en à peine 4 mois ! Pas mal.
C’est tout pour aujourd’hui !
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Voici quelques manières de creuser le sujet des communautés :
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